Le quotidien d’un sans-abri

J’erre dans des cercles imaginaires dans l’espoir d’être retrouvé.
Mes yeux ne s’ouvrent que pour voir le même monde cruel d’ici-bas.
Des gens hébétés qui passent, regardant la misère ordinaire.
L’air surpris de ce qu’ils voient. Peut-être en pensant :
« Ce pauvre homme, s’est-il perdu, est-il drogué ou est-il fou ? »
Cela me gênait lorsque j’ai fini dans la rue pour la première fois.
J’avais honte de qui j’étais devenu. Maintenant, je n’y pense plus.
Je suppose que je m’en fiche ou que je ne m’en rends plus compte.
Il m’a fallu être sans-abri pour finalement ne pas me soucier de ce que les gens pensent de moi.

Je me lève péniblement du trottoir froid et humide, mes pieds sont engourdis.
Ma journée commence généralement par la recherche d’une benne à ordures.
Ou les poubelles à l’arrière d’un restaurant afin de pouvoir me remplir l’estomac.
L’odeur est insoutenable, mais je dois manger, tant pis pour l’hygiène.
Puis je marche. Parfois toute la journée sans m’arrêter. Je n’ai nulle part où aller.
Il suffit de marcher. Personne à voir, juste des visages inconnus et anonymes.
Je sens que tout le monde me regarde, mais personne ne me parle. Alors je marche.
La journée continue lentement. Je trouve un sandwich à moitié entamé.
Et je tire quelques bouffées d’une cigarette encore allumée qu’un piéton a jetée.

Mes pieds sont gonflés de cloques. Je n’ai pas de chaussettes, juste des chaussures.
Alors je me repose. Quand la douleur dans mes pieds diminue, je marche encore.
Je suis fatigué. Je dois trouver mon prochain endroit pour passer la nuit.
J’avais l’habitude de me cacher et de dormir niché dans une vieille ruelle pavée.
C’est à ce moment-là que je me suis inquiété.
Car maintenant, je m’installe sur n’importe quel trottoir pour m’assoupir !

Habituellement, j’ai un sommeil léger. J’entends tous les bruits de la nuit.
Un chien qui aboie, des gens qui parlent, des chats qui se battent.
Des ivrognes qui urinent le long d’un mur à quelques mètres de moi.
Certaines personnes me dévisagent et me jettent des détritus.
Ou me crient simplement de chercher un travail pour m’en sortir.
Souvent, je dois me lever et m’éloigner rapidement pour éviter d’être battu.
Alors je marche. Ne connaissant pas ma destination.
Pas d’anniversaire ni de vacances non plus.

Parfois, je pense que je serai reconnu par un membre de ma famille ou un vieil ami.
Et sans doute qu’il me parlerait. Il pourrait aussi m’aider à retrouver mon ancien moi.
Peut-être pourrions-nous rire et raconter des histoires sur ce qu’était ma vie avant.
Il pourrait m’aider à prendre une douche et à mettre des vêtements propres.
Je pourrais manger un repas cuisiné servi dans une assiette et dans une maison chaleureuse.
Peut-être, juste peut-être, je pourrais me sentir à nouveau aimé.

De temps en temps, ce rêve semble si réel qu’il peut se produire à tout moment.
Mais ça se termine rapidement quand j’entends une voix hurlante
Qui me dit de descendre du trottoir et de quitter ce lieu immédiatement.
Car telle une vilaine verrue sur une main, je fais tache dans le paysage urbain.
Probablement qu’un jour ce fantasme deviendra une réalité évidente.
Mais pour l’instant, je vais continuer de marcher. Peut-être que demain…

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