OSTERLIND | UN BAPTÊME A TREBOUL

Le Baptême à TREBOUL

« Jamais nouveau ou ancien riche, dans sa Rolls ou son Hispano, ne fut aussi heureux que nous, dans notre primitif véhicule, dont à chaque ornière les cahots nous faisaient sauter en l’air, car, des deux côtés du chemin, nous voyions défiler les champs de sarrasin, entourés de leurs petits murs de pierre, les fermes grises tapies au fond des vallées et s’étendant à perte de vue, la magnificence de la lande en fleurs. Il nous semblait revivre aux temps héroïques de la Chouannerie et, à chaque tournant de la route, nous nous attendions à voir surgir quelque terrible «Marchaterre» avec ses longs cheveux, ses amples culottes, le chapelet autour du cou et le fusil en bandoulière. Tous ces souvenirs et la beauté de cette radieuse matinée d’Août nous empêchaient de sentir la fatigue. Après la procession, nous nous assîmes sur la dune et, sortant les provisions, commençâmes de déjeuner.…… « 

*

Depuis que je lance mes filets dans la baie d’internet, à la recherche de bonnes prises susceptibles d’être goûtées de mes convives douarnenistes, il en est une que je conserve depuis quelque temps en lieu frais et la voici ci-dessus:


C’est LE BAPTÊME peint par Allan ÖSTERLIND en 1887 à Tréboul, aujourd’hui au musée d’Helsinki


La cour est ombragée, il fait beau, le voisinage, des enfants en attente d’improbables friandises, de petites tréboulistes en coiffe et sabots, sont là pour admirer le nouveau né-baptisé, présenté par sa marraine et sa grande sœur qui demeurent sur le perron de la maison dans l’intimité sombre de l’avènement, des flaques de lumière éclairent le sol et les vêtements…hé bien, c’est ce que j’ai découvert de plus beau [pour moi] depuis mon entrée dans ce monde merveilleux de l’Art.

Le peintre & sa famille

Deuxième chance, nous pouvons ajouter un peu de « vécu » du séjour du peintre et de sa famille à Tréboul que j’extrais librement ici, je donnerai le lien pour le document entier….
« Profitant de l’occasion, mon amie demanda à la boutiquière s’il n’y avait vraiment plus d’artistes dans le pays :

Non, lui répondit celle-ci, il n’y en pas à Douarnenez, mais, de l’autre côté de la baie, à Tréboul, il se trouve, dit-on, des étrangers qui logent à l’auberge du Port. Ce doivent être des artistes ”, ajouta-t-elle avec une nuance de mépris mélangé de crainte, car les vieux Bretons redoutaient que ces gens, qui n’étaient pas chrétiens puisqu’ils n’assistaient pas à la messe, ne fussent venus les tirer en portrait pour leur jeter des sorts.

Le jour même, nous passâmes à Tréboul par le bac.

Là, on nous indiqua l’auberge de Mme Largenton, la seule du pays. Quand nous fûmes arrivées devant la maison, nous vîmes apparaître à une fenêtre du premier étage, un jeune homme à la barbe noire, au teint fleuri, coiffé d’un de ces grands chapeaux en paille tressée, appelés alors yokohama, que l’on achetait pour quelques sous

.Dès qu’il nous aperçut, il jeta un cri :- “ Oh, c’est Louise ! À quoi Breslau répondit : Comment, Josef, c’est vous? ”Et ce furent de joyeuses et fraternelles embrassades. La première émotion passée :- “ Allan, Allan ! cria le dit Josef, viens voir Breslau qui est là avec une amie.

A cet appel, parut sur le seuil de la porte un long garçon, au visage fin et allongé, à la blonde moustache viking, qui portait aussi un yokohama et était chaussé d’espadrilles. Il fût bientôt suivi par une ravissante jeune-femme brune, vêtue d’une robe de zéphyr bleu, toute jeune sous sa capote de paille et tenant par la main une adorable gosse de deux à trois ans aux cheveux d’or fin frisés, à la mine boudeuse et volontaire.

M. & Mme OSTERLIND

Le grand garçon était le peintre Osterlind, avec sa femme et sa petite fille Annette. Quant au jeune homme à la barbe noire, qui nous avait accueillies avec tant de cordialité, il se nommait Josephson, et Breslau avait fait sa connaissance à Paris, par les camarades rencontrés à Douarnenez. C’était un charmant garçon, intelligent et cultivé. À cette époque, ses tableaux ne se vendaient pas, et il avait bien du mal à payer les trois francs cinquante quotidiens de sa pension. Qu’il eût été heureux si quelque mécène scandinave lui eût alors offert une rente de trois cents francs par mois pour toute sa production ! Mais il n’était pas encore devenu fou, et sa peinture n’intéressait personne.- “ Breslau, dit-il à mon amie, après avoir écouté le récit de nos aventures : il ne faut pas rester dans ce stupide hôtel. Il faut venir demeurer ici avec nous. Mme Largenton est une gentille femme qui lit Musset ! ”. Après quelques pourparlers, l’hôtesse, qui nous considérait avec méfiance, car nous ne payons guère de mine, voulut bien nous recevoir sur la recommandation d’Allan et de Josef, et il fut convenu que nous viendrions habiter Tréboul dès le lendemain.Tout en devisant avec nos nouveaux amis, dans le jardin autour du petit lavoir, sous le figuier couvert de fruits, Breslau s’écria tout à coup :- “ Mais c’est demain le pardon de Sainte-Anne-la-Palud ! Si nous y allions tous ensemble, on trouverait bien dans le village une carriole à louer? ”- “ Hélas! soupira Josef, nous n’avons pas le sou ! ”- “ Hé! moi, je suis riche, répondit Breslau en faisant sauter en l’air l’un des deux derniers louis qui composaient toute notre fortune. ”- “ Alors, ça va, dit Josef en empochant la pièce qu’il avait attrapée au vol, nous allons commander la voiture du boulanger et demander à Mme Largenton d’emporter le déjeuner. Le lendemain de bonne heure, après avoir fait nos paquets, je descendis demander notre note. Horreur ! Breslau avait mal compris ; c’était sept francs par jour, par personne et non pour nous deux. Nous devions trente francs ; il ne nous en restait que vingt. Nous tremblions que Josef eût déjà dépensé notre louis. Et quel ennui de le lui réclamer ! Tout s’arrangea. J’allai le trouver, bien confus, il rendit sans mauvaise humeur l’argent et, ayant réglé notre compte nous grimpâmes dans la carriole qui nous attendait à la porte. Jamais nouveau ou ancien riche, dans sa Rolls ou son Hispano, ne fut aussi heureux que nous, dans notre primitif véhicule, dont à chaque ornière les cahots nous faisaient sauter en l’air, car, des deux côtés du chemin, nous voyions défiler les champs de sarrasin, entourés de leurs petits murs de pierre, les fermes grises tapies au fond des vallées et s’étendant à perte de vue, la magnificence de la lande en fleurs. Il nous semblait revivre aux temps héroïques de la Chouannerie et, à chaque tournant de la route, nous nous attendions à voir surgir quelque terrible «Marchaterre» avec ses longs cheveux, ses amples culottes, le chapelet autour du cou et le fusil en bandoulière. Tous ces souvenirs et la beauté de cette radieuse matinée d’Août nous empêchaient de sentir la fatigue. Après la procession, nous nous assîmes sur la dune et, sortant les provisions, commençâmes de déjeuner.……
Allan peindra aussi à Tréboul l’autre versant de la vie, LA VEILLEE MORTUAIRE, aujourd’hui au Musée de Stockholm, je l’ajoute ici mais sans commentaire.

La veillée mortuaire

 Allan peindra aussi à Tréboul l’autre versant de la vie, LA VEILLEE MORTUAIRE, aujourd’hui au Musée de Stockholm, je l’ajoute ici mais sans commentaire.

SOURCES